Web 2.0 et Participation Age
Nous sommes entrés dans l'ère du Web 2.0 depuis un et demi déjà. Très précisemment depuis octobre 2004, date de la première conférence Web 2.0 d'après l'historique relaté dans wikipedia, grâce à O'Reilly, Batelle et Dougherty. Comment définissent-ils ce concept de Web 2.0 (wikipedia) :
- the Web as platform;
- data as the driving force;
- network effects created by an "architecture of participation";
- innovation in assembly of systems and sites composed by pulling together features from distributed,
- independent developers (a kind of "open source" development);
- lightweight business models enabled by content and service syndication;
- the end of the software adoption cycle ("the perpetual beta");
- software above the level of a single device, leveraging the power of "The Long Tail".
Il est de plus très intéressant de noter que (toujours dans le même article wikipedia) :
"An earlier usage of the phrase Web 2.0 was as a synonym for "Semantic Web", and indeed, the two concepts complement each other. The combination of social networking [...] with the development of tag-based folksonomies and delivered through blogs and wikis creates a natural basis for a semantic environment."
Par ailleurs, Scot Mc Nealy, le CEO de SUN, déclare le 24 février 2006, à l'occasion des 24 ans de la société :
"The biggest industry trend in the IT sector is the move from the Internet world to the participation age [...] With regard to the move away from the "Internet age" to the participation age, in which instant messaging, blogging, e-mail and podcasting are the norm, McNealy said this move was a good and positive thing and would enhance all forms of media." (c'est moi qui ai mis en gras)
Quelques commentaires :
- le terme "architecture of participation" a été créé à l'origine pour décrire essentiellement les processus de développement open source. Il est évident depuis que les mêmes processus s'appliquent à la création de contenu au sens large, et pas seulement de programmes.
- "data-driven" me semble trop "technique" comme expression. Ce n'est pas la "data" que manipule l'utilisateur, mais un "contenu". S'il n'y avait pas de sens interprétable associé à la data, l'utilisateur n'en ferait rien, et ne participerait pas. On ne participe pas autour d'une base de données relationnelle de chiffres statistiques. Par contre on peut participer autour d'un contenu décrivant ou interprétant ces données. Raison pour laquelle, sans confrontation à l'époque avec cette définition, j'avais préféré nommer (dans mon billet "La fin de l'ère fichier, vers l'ère du contenu") cette nouvelle vision : content-oriented.
- "Semantic Web" m'a toujours semblé être un terme trop "pompeux". C'est sûrement ma formation d'intelligence artificielle, justement spécialisée dans le traitement automatique du langage naturel, et en particulier dans le traitement sémantique de la langue (!), qui m'empêche d'accoler le terme de sémantique au terme de Web. Car sémantique veut dire sens, et qui dit sens dit interprétation. Or le web (et donc les technologies qui le sous-tendent) sont toujours incapables d'interpréter le sens du contenu qui y est géré. Sauf à le structurer fortement. Mais ce n'est pas le cas. C'est donc l'utilisateur final qui l'interprète. Heureusement que c'est le terme de "Web 2.0" qui ai pris le dessus sur celui de "Semantic Web".
- Mc Nealy parle de "participation age", et cite la messagerie instantannée, les blogs, l'email et le podcasting. Il oublie entre autres les wikis, les réseaux sociaux et les journaux citoyens. Mais c'est lui qui a raison, nous sommes entrés dans l'âge de la participation :-) Et les conséquences sont énormes, non seulement pour nos activités quoditiennes, mais également pour nos démocraties (un autre sujet).
Du contenu et du flux
Ces quelques citations posées, tous ceux qui s'intéressent au web ont bien remarqué ces 2 dernières années que quelque chose de fondamental a changé. Personnellement j'ai l'impression d'être revenu aux sources de l'internet, à l'époque (93-94-95) ou les passionnés chattaient en IRC, s'échangeaient les meilleurs tuyaux d'un bout à l'autre de la terre, faisaient des rencontres extraordinaires, etc... Cette époque d'échanges et de relations humaines m'avait semblé disparaître avec le boom commercial de l'internet, et voilà que les blogs ont à nouveau tout chamboulé, depuis longtemps aux USA, et depuis plus récemment en France, et permis à nouveau la création et l'émergence de communautés humaines, totalement interactives. On peut les appeler réseaux sociaux, groupes d'intérêts, ou tout ce que l'on veut, le résultat est le même, et c'est celui qui m'intéresse ici, ces gens ne se seraient jamais regroupés dans la vie réelle, mais ils font connaissance et partagent beaucoup dans le monde virtuel, quitte à continuer ensuite dans le monde réel.
Nous sommes entrés, au moins chez le grand public, dans l'ère du contenu : produit, consulté, échangé, partagé, diffusé en ligne directement, sans autre intermédiaire. Nous subissons un flux continu d'information, à travers l'email (cf. ancien billet sur le sujet mais notons également que les ados n'utilisent pratiquement pas cet outil) ou à travers maintenant les fils RSS.
Nous structurons notre vie par rapport à ces flux d'informations, aussi bien à travers notre action individuelle, qu'à travers notre action collective, puisque toutes ces sources d'informations proviennent d'autres personnes que nous, autour de nous (notre réseau social élargi = relations réelles + virtuelles). Et bien que parfois timidement, nous participons progressivement à ses flux en y apportant notre propre pierre (quelques commentaires par ci par là, l'ouverture d'un blog, d'un album photo public et tagable, etc...)
Est-ce de la collaboration ? Oui et non, car la collaboration s'est toujours voulue structurée et "travailleuse" (travailler avec d'autres (à une oeuvre commune), Larousse), répondant à des règles précises établies pas la communauté qui collabore. Or on remarque aisément que face à un flux d'informations aussi important, la collaboration structurée n'est plus possible, ou en tout cas ne peut pas être la colonne vertébrale des relations inter-humaines. Seul participer (s'associer, prendre part à., Larousse) devient possible, concept plus large que la collaboration.
Le Web participatif
Les blogs, les wikis, les nouvelles communautés du web 2.0, la capacité à commenter, à créer des liens, à s'intégrer dans des réseaux sociaux virtuels, à modifier le contenu rédigé par d'autres, à publier ses propres articles dans des journaux citoyens, à voter en ligne, ont complètement fait évoluer le mode de relation entre les gens, où tout un chacun est à la fois acteur, auteur et lecteur, et ce mode de relation est bien plus que collaboratif, il est participatif..
Nous sommes donc en train de participer tous ensemble, grâce à internet, à la création d'un flux continu de contenu, qui se structure progressivement au fur et à mesure des besoins des uns et des autres, et nous permet d'entrer dans une nouvelle dimension, celle du du Web Participatif.
Beaucoup d'étapes ont été successivement franchies depuis l'émergence du web, et les outils ainsi que les sites web ou les intranets et extranets ont suivi progressivement ces évolutions :
- publication
- interaction
- échange
- collaboration
- participation
Ces cinq niveaux sont comme des poupées russes, il s'emboitent les uns dans les autres, le plus petit étant la publication.
Le mode participatif est non structuré, il est transversal, il est d'égal à égal.
Paradoxalement, les outils collaboratifs, outils structurés, ont du mal à s'imposer dans les organisations, pourtant elles-mêmes fortement structurées, mais l'être humain lui-même a du mal à travailler de manière structurée.
A l'inverse, les outils participatifs, n'imposant quasiment aucune structure, et créant un chaos informationnel conséquent sur des gros volumes, sont très rapidement adoptés par les utilisateurs eux-mêmes, alors même qu'ils heurtent les structures et hiérarchies établies dans les organisations (un chef d'équipe verra mal son subordonné faire un commentaire critique sur la page web qu'il a publié, et encore moins en modifier le contenu...).
Est-ce une situation immuable ? Non, le retour d'expérience du web 2.0 et l'adoption massive par les utilisateurs montrent le contraire : c'est une évolution inéluctable. Et moi qui ai travaillé autant d'années dans le collaboratif structuré, je sais pertinemment que la nature humaine préfère majoritairement une non-organisation à une organisation structurée, quitte à ré-organiser ensuite, par cycles.
Le futur est donc au Web Participatif, qui, par son usage, va modifier en profondeur les relations de groupes humains, en dehors ou au dedans d'organisations structurées et finir de bousculer complètement les relations hiérarchiques et de pouvoir de nos sociétés. Cela ne pourra que contribuer au réveil des forces vives et créatrices de chacun d'entre nous, à condition de savoir les canaliser correctement pour produire de la valeur.
Le web participatif est donc l'étape ultime en terme d'organisation et de création de valeur. Préparez-y vous, car la nouvelle génération a déjà implicitement intégré cette dimension. Et comme pour tout changement de paradigme important, il faut se mettre en situation d'usage pour le comprendre, le faire sien, et pouvoir ensuite en tirer profit.
Notons pour finir que dans ce web participatif, nous voyons revenir en premier plan la culture de l'écrit (cf. Xavier, "une révolution de l'écrit"). A moins que le podcasting ne prenne le dessus ;-) ?
Je ne suis pas devin mais je parierai volontiers que le podcasting ne tuera pas l'écrit ;-)
Rédigé par : Xavier | 06 avril 2006 à 10:11
J'aime bien ce texte. Pour moi le WEB 2.0 c'est tout simplement le web avec des gens au milieux.
> Nous sommes donc en train de participer
> tous ensemble, grâce à internet, à
> la création d'un flux continu de contenu,
> qui se structure progressivement au fur
> et à mesure des besoins des uns et des
> autres, et nous permet d'entrer dans une
> nouvelle dimension, celle du du Web
> Participatif.
Ce flux continu serait une sorte de conscience collective ... une sorte "d'éveile au niveau mondial ... "le 3ème milénaire sera spirituel ou ne sera pas" :)
Rédigé par : ~laurent | 06 avril 2006 à 20:14
Nous ne possédons pas les données mais nous sommes "traversées" par leur flux ... et dans ce cas la lecture du Bouddhisme apporte quelques solutions :)
Rédigé par : ~laurent | 07 avril 2006 à 07:29