Je pense que l’on n’a pas suffisamment évoqué l’un des éléments centraux de cette histoire : les Elahi. Il ne faut pas oublier qu’ils font partie des premières victimes collatérales de la bataille entre l’association de Bruno de Beauregard et la mairie d’Asnières. Finalement, l’ensemble des attaques lancées par cette mairie ne reposent que sur la suspicion de secte à l’encontre de personnes morales ou physiques portant le nom de "Elahi".
Commençons donc par nous poser la question qui s’impose : qu’est-ce qu’une secte ? (Cf. prevensecte, Miviludes)
Selon l’ADFI: Un groupe dans lequel on pratique une manipulation mentale qui entraîne endoctrinement, contrôle de la pensée, viol psychique, destruction de la personne et de la famille, voire de la société.
D’après Roger Ikor: Un mot à peu près impossible à définir avec exactitude. D’une façon générale, c’est un groupe totalitaire dans lequel le fondateur est celui qui sait tout, sans autre preuve que sa parole. Ses dirigeants jouissent de la vie et les adeptes travaillent, exploités comme des esclaves au mépris de toute législation sociale, quand ce n’est pas dans la misère psychologique. Conséquences: familles brisées ou dépouillées, jeunes vies ruinées, suicides parfois atroces, délabrement psychique… Le message généralement proposé dénonce les valeurs fondamentales de la civilisation moderne: esprit critique, tolérance, respect de la personne humaine, liberté démocratique, croyance en la volonté individuelle, l’initiative, l’action, le progrès.
Selon la Commission parlementaire française d’enquête sur les sectes: Groupe visant par des manœuvres de déstabilisation psychologique à obtenir de leurs adeptes une allégeance inconditionnelle, une diminution de l’esprit critique, une rupture avec les références communément admises (éthiques, scientifiques, civiques, éducatives), et entraînant des dangers pour les libertés individuelles, la santé, l’éducation, les institutions démocratiques.
D’après Max Bouderlique Un groupe totalitaire, qui se sépare de la société, et s’y oppose. Elle est fondée sur des croyances définies une fois pour toutes comme des certitudes rigoureusement intangibles. Elle vit aussi sur un sentiment de persécution. Son enseignement contient toutes les vérités. Les mettre en doute est considéré comme une attaque contre le groupe et le gourou.
Bien. Maintenant, allons voir du coté des Elahi :
On trouve une fondation reconnue d’utilité publique et basée à Paris (pas à Asnières) portant le nom d’un magistrat, musicien et philosophe mystique iranien, Ostad Elahi (1895-1974). On trouve aussi la sœur d’Ostad Elahi, Malek Jan Nemati (1906-1993) considérée comme une sainte dans son pays et en hommage de qui un mémorial a été érigé en France dans le Perche. Enfin, il y a également Bahram Elahi, fils d’Ostad Elahi, qui publie des ouvrages traitant de la pensée de son père, chez des éditeurs tout-à-fait honorables comme Albin Michel ou Dervy.
J’ai moi-même eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises des membres de la famille Elahi, et je n’ai jamais remarqué chez eux de comportement anormal ou qui puisse d'une quelconque façon se rapporter aux critères "sectaires" cités ci-dessus. Les échos que j’ai pu avoir de personnes les connaissant à des degrés divers sont même plutôt élogieux quant à leur intégrité morale ou professionnelle et je n'ai jamais entendu personne s'adresser à eux en employant le mot de "Maître" ou autres choses de ce genre.
Il est d’ailleurs très intéressant de noter que toutes les accusations portées par la mairie d’Asnières à l’encontre des Elahi sont fondées sur des amalgames flous destinés à faire naître une suspicion sans jamais préciser ce qui leur est reproché exactement. La stratégie de base est de marteler constamment des expressions telles que "organisation Elahi" ou "Maître Elahi" et en leur associant des qualificatifs tels que "mystico-religieuse" pour diffuser un parfum de secte sans jamais prononcer le mot de "secte" (et cela apparemment depuis qu’ils se sont fait condamner en justice).
Il en est de même des sujets à caractère "spirituel" censés être abordés par les ouvrages d’Ostad Elahi ou de Bahram Elahi : quand bien même ils parleraient de Dieu, d’au-delà, d’anges, d’âmes ou je ne sais quoi encore, je ne vois pas bien ce qu'on pourrait leur reprocher ? Jusqu’à nouvel ordre, que je sache, on est encore libre dans ce pays d’évoquer des croyances ou des visions du monde, finalement assez classiques, sans se faire taxer de sectarisme ! D'après les définitions et ce que l'on constate dans tous les reportages parlant de ces problèmes, une "dérive sectaire" n’est pas un problème de croyances mais de faits de manipulation mentale, d’escroquerie ou d’autres abus fondés sur l’exploitation des croyances des gens : toutes les définitions (cf. ci-dessus) produites par les experts du domaine en témoignent.
En tout cas, puisqu’à malgré moi je me suis retrouvé impliqué dans cette affaire, je mène mes propres petites recherches sur le caractère soi-disant "vérifiable" des "informations" diffusées par la mairie d’Asnières et je me suis penché sur cet aspect des choses. Par exemple, la mairie d’Asnières joint à son dernier communiqué sur la blogosphère une liste d’"extraits" censés provenir de l’ouvrage La Voie de la Perfection écrit par Bahram Elahi. D'abord on remarque qu’ils ne fournissent aucune référence précise en indiquant par exemple des numéros de page : cette manière de présenter les choses décourage déjà toute envie de vérification puisqu'elle devient pénible. Déjà cela m'a paru suspect, et j’ai tenté de retrouver ces extraits dans l’ouvrage en question : toutes mes tentatives se sont soldées par un échec ! Étant donné l’ampleur de la tâche, je ne peux pas garantir à 100% qu’aucun des extraits ne s’y retrouve, mais je suis très étonné de voir que je n’en ai pas encore retrouvé un seul ! Je m’adresse donc à l’auteur des "extraits" en question : pourriez-vous nous transmettre les pages exactes d’où vous prétendez avoir extrait ces passages ? Vous rendriez ainsi un fier service à cette "information objective" à laquelle vous tenez tant. Si d’autres ont eu le temps et le courage de procéder à ces vérifications, ce serait bien que nous cummulions nos recherches dans ce billet.
En ce qui concerne le PDF diffusé par la mairie qui parle de "Maître Elahi", le commentaire à droite de la photo est surprenant, je cite : "Maître Elahi", dont on apprend sur le site que lui consacre sa fondation qu’il est mort et ressuscité à l’âge 11 ans (…)". D’abord, puisque l’information est censée avoir été extraite de sites Web, les auteurs auraient pu fournir un lien direct vers la source de leur information. Mais ils ne l'ont pas fait. Serait-ce parce que l’info est inventée ? Ou qu’ils préfèrent la réécrire à leur sauce pour forcer sur le "parfum de secte" ? Voici le résultat de ma recherche : sur le site de la Fondation Ostad Elahi, je n’en ai trouvé aucune trace. Sur le site consacré à Ostad Elahi lui-même, on peut lire, dans la page consacrée à la chronologie de sa vie, qu’en 1906,
«Alors que Nour Ali vient de rejoindre son père en pèlerinage au mausolée de Soltan, il est pris d’un mal de gorge qui s’aggrave inexplicablement au point qu’après trois jours, il rend l’âme. Pendant qu’on est allé chercher un linceul, il revient à la vie. Il dira plus tard qu’il a vécu cette expérience comme un véritable changement d’âme et qu’à partir de ce moment, tout a été différent pour lui.»
Exprimée dans sa formulation originale, cette information décrit en fait une expérience de NDE (Near Death Experience, ou « Expérience de mort imminente » en français), phénomène dont l’existence n’est plus contestée aujourd’hui (je ne parle pas de l’interprétation ou de l’explication du phénomène) et sur laquelle il existe une littérature scientifique et médicale importante.
Donc, en ne fournissant pas de référence précise, la mairie d’Asnières se donne la possibilité de réécrire les choses à sa manière, en utilisant par exemple le terme de « ressuscité » qui a la charge religieuse que l’on sait, afin de suggérer l’existence d’une croyance "messianique". La fabrication est également reprise dans le communiqué en page 2, paragraphe 2.
Les quelques recherches dont je viens de vous faire part indiquent l’existence d’une volonté de fabriquer des informations fausses ou tronquées afin de servir une cause qui, pour l’instant, m’échappe totalement (quel intérêt la mairie d'Asnières a-t-elle à dépenser tant d’énergie à ces diffamations ? Difficile de croire que c’est juste pour contrer une association de quartier qui la dérange).
La vérification des "informations vérifiables" fournies dans les documents de la mairie d’Asnières étant rendue volontairement difficile voire impossible par l’absence totale de références précises, j’en conclus qu’il doit y avoir encore à boire et à manger pour qui aurait le courage de procéder à des recherches point par point. J’invite donc les bloggeurs se sentant une fibre investigatrice (et certains s'y sont déjà lancés) de mener leurs propres recherches en prenant comme base les documents diffusés par M. Caillet.
Je continue moi-même les miennes et je vous ferai part de toute nouvelle info. Je suis certain que ça nous fera au moins rigoler un peu.
elle est très bien cette note. des éléments dont la vérification est à la portée de chacun :-)
Rédigé par : lionel | 18 février 2006 à 17:49
"ostad" signifie "maitre"...
Rédigé par : turbi | 19 février 2008 à 12:08